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Réforme de la justice des mineurs - projet d'ordonnance : instauration d'un seuil d'irresponsabilité pénale à 13 ans

Par STEPHANIE CREPET, publié le samedi 15 juin 2019 19:45 - Mis à jour le samedi 15 juin 2019 19:45

Il faudra dorénavant contrer la présomption d'irresponsabilité, prouver le contraire, peut-être par une expertise psychologique. L'instauration de cette nouvelle mesure permet de répondre à la Convention internationale des droits de l'enfant

JDD -  13 juin 2019 - Anne-Charlotte Dusseaulx

C'est l'annonce du jour de la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, qui a engagé une réforme de la justice des mineurs : elle souhaite établir un seuil d'irresponsabilité pénale à 13 ans. "Aujourd'hui, un auteur d'infraction de moins de 13 ans écope d'une mesure éducative si le juge le considère comme capable de 'discernement'. Je propose d'abroger ce dispositif et de ne plus poursuivre les délinquants de moins de 13 ans en instaurant, en deçà de cet âge, une 'présomption d'irresponsabilité'", explique la garde des Sceaux dans La Croix.

Qu'en est-il aujourd'hui?

En France, il n'existe pas aujourd'hui d'âge minimal de responsabilité pénale. L'article 122-8 du code pénal explique que "les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables". L'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante précise :

qu'entre 10 et 18 ans, le tribunal peut prononcer "une sanction éducative" ;

et qu'entre 13 et 18 ans, il peut "prononcer une peine".

Cet âge de 13 ans correspond donc aussi à celui à partir duquel un mineur peut être enfermé en France. En dessous de dix ans, le tribunal considère généralement qu'il n'existe pas de discernement possible et donc pas de responsabilité pénale.

Il faut savoir que dans notre droit, en dessous de 13 ans, il n'y a pas de sanction pénale

C'est d'ailleurs ce qu'a rappelé Nicole Belloubet jeudi matin sur France Inter : "Il faut savoir que dans notre droit, en dessous de 13 ans, il n'y a pas de sanction pénale. Le gamin peut être reconnu comme pénalement responsable, mais il n'y a pas de sanction pénale. Il n'y a que des mesures éducatives."

Qu'en sera-t-il demain?

Dans son interview à La Croix, Nicole Belloubet indique donc vouloir "ne plus poursuivre les délinquants de moins de 13 ans en instaurant, en deçà de cet âge, une 'présomption d’irresponsabilité'". Mais la ministre précise aussi que "ce seuil ne doit pas être rigide pour que les magistrats puissent toujours apprécier la situation au cas par cas".

Elle a d'ailleurs développé ce point sur France Inter, en déclarant que même avec la modification souhaitée, "le juge pourra toujours le cas échéant admettre qu'en enfant de 12 ou 11 ans puisse être responsable pénalement".

Comme aujourd'hui donc. "Cela ne change quasiment rien. C'est juste qu'il faudra prouver le contraire, peut-être par une expertise psychologique, pour contrer la présomption d'irresponsabilité", indique une source judiciaire au JDD.

L'absence de poursuites pénales contre ces mineurs "ne signifie pas pour autant la négation de son acte ni des dégâts qu'il a causés", souligne Nicole Belloubet. Les victimes pourront être indemnisées au civil alors que les enfants concernés "seront pris en charge dans le cadre d'une procédure d'assistance éducative judiciaire".

La France était vraiment en retard, ce seuil est un progrès

L'instauration de ce seuil permet de répondre à plusieurs conventions internationales, dont la Convention internationale des droits de l'enfant, qui exigent que soit retenu un âge butoir. "La France était vraiment en retard, ce seuil est un progrès", a réagi auprès de l'AFP Florent Boitard, secrétaire général adjoint de l'USM, syndicat majoritaire chez les magistrats. Une avancée "plutôt intéressante" mais qui n'est qu'une "mise en conformité avec les normes internationales", a nuancé Lucille Rouet, juge des enfants et secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature (SM), classé à gauche.

Et après?

L'annonce surprise en novembre d'une réforme par ordonnance du texte fondateur de l'enfance délinquante, amendé 39 fois depuis sa création à la Libération, avait provoqué une levée de boucliers des professionnels.

Nicole Belloubet doit leur soumettre son avant-projet d'ordonnance "dans les prochains jours". Puis il sera examiné au Conseil d'Etat et présenté en conseil des ministres autour du 15 septembre. "Il n'entrera en vigueur qu'après un délai d'un an pour laisser le temps du débat au parlement", a promis la ministre.

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